Ma reprise de l'enseignement approchant, j'ai décidé de me préoccuper pleinement des sciences cognitives applicables à l'enseignement des Lettres. Malheureusement, je n'ai rien trouvé concernant l'enseignement du français et de la littérature. Je me suis alors concentrée sur l'existence de l'ouvrage de Stanislas Dehaene, professeur au Collège de France mais aussi président du conseil scientifique de l'Education Nationale, ce qui en fait une source sûre pour l'application du résultat de ses recherches à l'enseignement.
L'ouvrage est daté de 2007, soit il y a bientôt vingt ans ; à notre époque les découvertes scientifiques ont un élan exponentiel et depuis nous avons bien des nouveaux éléments concernant les neurosciences. Néanmoins, ce livre reste solide dans son domaine et jette les bases du fonctionnement du cerveau lisant. L'ensemble de l'ouvrage est construit de manière pédagogique : sa structure est progressive, le vocabulaire est accessible et il est garni d'illustrations colorées appuyant le propos car elles montrent les résultats de recherches scientifiques en rapport avec le sujet. L'auteur commence par expliquer comment l'information arrive à notre cerveau et surtout les principes de leur décodage, puis il affine progressivement chacune des étapes. Il synthétise les résultats des différents domaines de recherche en sciences cognitives, il les rassemble : paléoanthropologie, observations éthologiques sur les grands singes, tests neuroscientifiques chez les humains à tout âge, chez divers animaux, observations cliniques chez les patients présentant des lésions impliquant la parole et la lecture, statistiques scolaires. Le statut de Stanislas Dehaene, formé en mathématiques et docteur en psychologie lui confère une vue pluridisciplinaire large des neurosciences.

D'après les recherches, nous savons donc que la reconnaissance des caractères se fait de manière instantanée. Seuls les neurones concernés s'activent. Le traitement se fait de manière pyramidale : contraste, barres, lettres, groupes de lettres, association à des sons, puis sens. Le traitement est géré par des neurones, chacun spécialisés dans la reconnaissance d'un élément. Concernant la lecture, la reconnaissance des lettres a lieu dans la zone occipito-temporale ventrale gauche du cerveau (arrière gauche pour simplifier). Le déficit de lecture handicapant les dyslexiques proviendrait de la désorganisation des neurones de cette zone. Grâce à ces conclusions, l'auteur met en avant les méthodes d'apprentissage de la lecture les plus adéquats car ils correspondent aux mécanismes cérébraux et à son développement dans l'enfance.
Stanislas Dehaene n'hésite pas à formuler des spéculations audacieuses concernant le fonctionnement cérébral de la lecture, par exemple sur le fonctionnement pyramidal ou les neurones «bigrammes». Il rassemble les meilleurs arguments en faveur de ses théories, même si ces arguments ne sont pas des preuves : il assume ses spéculations car dans l'Histoire des sciences, elles sont nombreuses à avoir été des précurseurs de grandes découvertes bien prouvées par la suite. Il s'engage également politiquement dans les méthodes à privilégier dans l'Éducation Nationale: abandon de de la méthode globale, rééducation des dyslexiques, étapes d'apprentissage et exercices à privilégier en classe.
L'ouvrage est donc un bon point de départ pour toute personne qui désirerait comprendre la fonctionnement du cerveau et entrevoir une nouvelle approche de l'enseignement.